Page:Collins - Le Secret.djvu/343

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cher un fiacre. Cet ordre donné, elle allait quitter la chambre pour mettre un chapeau, quand le vieillard l’arrêta pour lui demander, non sans une certaine hésitation, et comme confus de ce qu’il allait dire, si on jugeait indispensable qu’il accompagnât chez le docteur M. et mistress Frankland ; ajoutant, avant d’avoir la réponse à cette question, qu’il préférerait beaucoup, s’ils n’y voyaient aucune objection, rester à l’hôtel et y attendre les instructions qu’ils auraient à lui donner après leur retour. Léonard fit immédiatement droit à cette requête, sans aucune question sur les motifs qui l’avaient dictée ; mais Rosamond, dont la curiosité s’éveilla aussitôt, voulut savoir pourquoi l’oncle Joseph préférait rester à l’hôtel.

« Je ne l’aime pas, cet homme, repartit le vieillard. Quand il parle de Sarah, ses dires, sa physionomie, semblent indiquer qu’il n’espère pas la voir jamais se rétablir. » Après cette courte réponse, il marcha vers la fenêtre avec une sorte de gêne, comme heureux de n’en pas dire plus long.

La demeure du médecin était à quelque distance ; mais M. et mistress Frankland y arrivèrent avant une heure, et dès lors le trouvèrent encore chez lui. C’était un jeune homme de physionomie grave et douce, de manières calmes et contenues. Un contact journalier avec le chagrin et la souffrance avait, peut-être prématurément refroidi, attristé son caractère. Se présentant tout simplement, elle et son mari, comme des personnes qui portaient un vif intérêt à « mistress James, » Rosamond laissa Léonard poser les questions relatives à la santé de cette mère qu’elle allait bientôt retrouver.

La réponse du docteur eut pour exorde quelques paroles polies, mais de mauvais augure, et qui semblaient avoir pour but de préparer ses auditeurs à de moins favorables prévisions qu’ils n’en avaient peut-être conçu en venant le trouver. Écartant avec soin tous les termes, toutes les déductions techniques, il leur dit que sa cliente était, sans aucun doute, sous le coup d’une affection du cœur vraiment grave. Quant à la nature exacte du mal, il reconnaissait loyalement qu’il pouvait exister des doutes, et que différents médecins ne l’apprécieraient pas tous de la même manière. Pour lui, son opinion personnelle, formée d’après les symptômes qu’il avait suivis avec soin, était que la maladie avait son siége dans l’artère qui transmet le sang, au sortir du cœur, dans tout l’organisme. La malade ayant toujours répondu avec une répugnance marquée aux questions qu’il lui avait faites sur sa