Page:Collins - Le Secret.djvu/361

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emplissant la chambre de son rire sardonique. Sarah, cependant, qui commence à faire les paquets, prend sur la table quelques menus objets de joaillerie, et, entre autres, une broche sur laquelle est peint le portrait du capitaine… Sa maîtresse le voit… elle pâlit… elle se met à trembler de tout son corps, elle saisit la broche et l’enferme dans un écrin, très à la hâte, comme si la vue de ce portrait lui avait fait peur. « Nous n’emportons pas ceci, dit-elle, et, tournant sur ses talons, elle quitte la chambre… Ne devinez-vous pas maintenant quel projet mistress Treverton s’était mis en tête ? »

Il adressa d’abord cette question à Rosamond, et ensuite la répéta, tourné vers Léonard. Tous deux répondirent affirmativement, et le prièrent de continuer.

« Ah !… vous devinez ? reprit-il. Eh bien ! vous êtes plus pénétrants que Sarah ne l’était, car d’abord elle ne comprit rien à toutes ces manœuvres… Sa peine d’une part, et de l’autre les étrangetés de sa maîtresse, avaient sans doute un peu troublé son intelligence. Après tout, elle était habituée à faire, sans réflexion, tout ce que lui commandait madame ; et toutes deux partirent ensemble de Porthgenna. Pas un mot échangé entre elles jusqu’à la fin de la première journée de voyage, alors qu’elles se sont arrêtées dans une auberge, où elles sont parfaitement inconnues, entourées de visages étrangers. La maîtresse, alors, se décide à parler : « Demain, Sarah, vous mettrez le beau linge et la belle robe. Gardez cependant le chapeau commun et le gros châle jusqu’à ce que nous soyons remontées en voiture. Je mettrai, moi, le gros linge et la robe commune, mais je garderai le beau châle et le chapeau élégant. Les gens de l’auberge, ainsi, quand nous passerons parmi eux, en allant jusqu’à la voiture, ne s’apercevront d’aucune métamorphose. Une fois en route, rien de plus simple que d’échanger nos châles et nos chapeaux. Et le tour est fait. Vous êtes la dame mariée, mistress Treverton, et je deviens, moi, votre femme de chambre, Sarah Leeson… » À ces mots une lueur se fait dans la pensée de Sarah ; elle est saisie de terreur et se met à trembler ; mais tout ce qu’elle trouve à dire se réduit à ceci : « Oh ! madame, pour l’amour du ciel, que prétendez-vous faire ? — Je prétends, répond la maîtresse, je prétends vous sauver, vous, ma fidèle compagne, du déshonneur et de la ruine ; je prétends empêcher que la fortune entière du capitaine ne passe entre les mains de ce misérable qui n’a pas craint de me calomnier ; et enfin, et surtout,