Page:Collins - Le Secret.djvu/37

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qui, par cela même, devenait suspect à Sarah Leeson, après ce qu’elle venait d’accomplir.

Aussi prit-elle, dans la poche de son tablier, la petite ménagère (boîte à ouvrage) qui ne la quittait jamais, et, à l’aide des ciseaux qu’elle y trouva, elle détacha l’étiquette de la clef. Suffirait-il de la détruire ? question que mille conjectures sans portée ne l’aidèrent pas à résoudre ; elle finit cependant par séparer aussi toutes les autres étiquettes de même espèce, sans autre motif qu’un vague soupçon, et le besoin instinctif de multiplier les précautions.

Ramassant avec soin les petits lambeaux de parchemin épars autour d’elle, elle les plaça, tout comme la petite clef rouillée qu’elle avait emportée de la Chambre aux Myrtes, dans la poche vide de son tablier. Puis, portant toujours à la main le second paquet de clefs, et refermant avec soin derrière elle les portes qu’elle avait ouvertes pour pénétrer dans le pavillon nord de Porthgenna-Tower, elle regagna l’appartement de la femme de charge, y entra sans y trouver personne, et replaça au clou fixé dans le mur les clefs qu’elle y avait prises.

La matinée avançait ; Sarah pouvait craindre maintenant de se rencontrer avec quelques-unes des filles de service. Aussi s’empressa-t-elle de retourner dans sa chambre. Le flambeau qu’elle y avait laissé brûlait encore, mais ne jetait plus qu’un faible éclat, amorti par les feux de l’aurore. Après l’avoir éteint, lorsqu’elle voulut écarter ses rideaux, un ressentiment de la prestigieuse terreur qu’elle avait éprouvée lui revint, même en face du jour qui, de tous côtés, l’inondait. Elle ouvrit sa croisée et s’y pencha pour aspirer à longs traits la fraîcheur matinale.

À bonne ou mauvaise fin, c’en était fait maintenant. Le secret fatal gisait enfoui dans sa cachette inconnue. C’était là, de premier abord, une pensée qui lui donnait quelque repos. Elle pouvait maintenant, tout à loisir, rassembler ses idées, s’occuper d’elle-même, envisager les incertitudes de son avenir.

Rien n’aurait pu l’engager à rester dans sa condition actuelle, maintenant que la mort avait rompu les liens qui la retenaient auprès de son impérieuse maîtresse. Elle savait que mistress Treverton, dans les derniers jours de sa maladie, avait très-sérieusement recommandé sa femme de chambre aux bontés, à la protection du capitaine : elle n’avait pas à douter que les prières de sa femme, datées de ces heures su-