Page:Collins - Le Secret.djvu/378

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elle jeta un coup d’œil du côté de la fenêtre. Le soleil avait complètement disparu derrière les maisons ; le jour, décidément, touchait à sa fin.

« Oublier !… Ah ! oui !… si je pouvais oublier ! dit alors sa mère, qui soupira longuement et, de la main, frappait à petits coups le couvre-pied du lit.

— Êtes-vous assez bien, chère maman, pour vous distraire à quelque ouvrage ? demanda Rosamond en lui montrant la petite boîte oblongue. » Elle essayait ainsi de ramener l’entretien sur des sujets sans péril, ceux qui alimentent les conversations de chaque jour. « Quel ouvrage faites-vous en ce moment ?… Peut-on voir ? »

La figure de la malade perdit sa physionomie souffrante et comme affaissée. Un sourire vint de nouveau l’éclairer. « Je n’ai pas ici d’ouvrage commencé, dit-elle. Tous les trésors que j’avais au monde, avant le jour où vous êtes venue me voir, sont enfermés dans cette petite boîte. Ouvrez-la, ma chère, et regardez-y ! »

Rosamond, pour obéir à cet ordre, posa la boîte sur le lit de manière à ce que sa mère, sans se déranger, pût voir ce qu’elle allait faire. Le premier objet que lui fit découvrir cette espèce d’inventaire fut un petit volume, dont la reliure était très-fatiguée. C’était un vieil exemplaire des Hymnes de Wesley. Quelques brins de gazon desséchés étaient conservés entre ses pages. Sur l’un des feuillets blancs il y avait l’inscription suivante : « Ce livre appartient à Sarah Leeson. Donné par Hugh Polwheal. »

« Regardez bien ceci, lui dit sa mère… Il ne faut plus l’oublier… Quand le temps sera venu où je devrai vous quitter, Rosamond, vous placerez, de vos chères mains, ce petit volume sur mon cœur immobile… Entre ses pages, vous mettrez quelques cheveux de vous, et vous me ferez enterrer dans cette fosse du cimetière de Porthgenna, où il m’aura si longtemps, si longtemps attendue. Les autres objets que la boîte renferme vous appartiennent, Rosamond. Ce sont de petits souvenirs, furtivement enlevés çà et là, et qui me rappelaient mon enfant, alors que j’étais seule dans le monde pour moi devenu désert… Peut-être, dans bien des années, quand vos beaux cheveux bruns commenceront à devenir de la couleur des miens, en parlant à vos enfants de leur grand’mère, vous aimerez à leur montrer ces bagatelles qui lui ont été si précieuses. Et ne craignez pas de leur dire combien elle erra,