Page:Collins - Le Secret.djvu/94

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manteau, s’étendait sur un des canapés, et prenait la dose de repos dont il avait besoin, le matin d’aussi bonne heure, et le soir aussi tard que cela lui pouvait convenir.

N’avaient-ils ni à boulanger, ni à brasser, ni à jardiner, ni à nettoyer quelque part, ces deux hommes s’asseyaient en face l’un de l’autre, et fumaient des heures entières, le plus souvent sans échanger un seul mot. Que s’ils rompaient le silence, c’était inévitablement pour se quereller. Leur dialogue le plus ordinaire était une sorte de lutte comme celle de deux boxeurs qui, après certains témoignages sournois d’une feinte bienveillance, finissent par détériorer, de tout cœur, la forme que Dieu a donnée à leur visage. Ils commençaient par quelques ironiques compliments, et finissaient par s’adresser les invectives les plus violentes. N’ayant pas à lutter, comme son maître, contre les habitudes invétérées d’un certain savoir-vivre, résultat infaillible d’une certaine éducation, Shrowl, dans ces duels de langue, avait un avantage marqué. Et, au fait, quoique nominalement le domestique, il avait en réalité le gouvernement de ce singulier ménage, ayant acquis sur son maître une influence sans bornes, par cela seul que dans toute direction il s’étudiait à le devancer. La voix de Shrowl était la plus aigre des deux ; les dires de Shrowl étaient les plus âpres ; la barbe de Shrowl était la plus longue. Si personne avait accusé M. Treverton d’une secrète déférence pour les opinions de son valet, ou d’un secret sentiment de crainte qui le faisait hésiter à le mécontenter, nul doute qu’il n’eût repoussé cette imputation avec toute sorte de colère et d’amertume. Mais il n’en restait pas moins vrai que Shrowl avait la haute main dans la maison, et que, sur tout sujet essentiel, sa décision devenait, tôt ou tard, celle de son maître. De toutes les punitions de ce monde, la plus certaine est celle de l’homme qui se targue et se vante n’importe de quoi. M. Treverton faisait sonner bien haut son indépendance absolue ; quand vint le châtiment de cette fanfaronnade, ce châtiment s’incarna dans la personne de Shrowl, et s’appela de ce doux nom.

Un beau matin, environ trois semaines après que mistress Frankland eut écrit à la femme de charge de Porthgenna-Tower pour lui annoncer la visite projetée par elle et son mari, M. Treverton descendit, avec sa physionomie la plus aigre et ses façons les plus bourrues, des régions supérieures de son cottage à l’une des chambres du rez-de-chaussée, celle que