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BRACONNIERS

Ces braconniers ont parfois des associés dont la mission est de guetter et signaler l’approche d’un officier ou d’un gardien de pêcheries. Ce qui se fait de diverses façons, en tirant un coup de fusil, en faisant de la fumée ou en agitant un objet quelconque, et, si c’est à la nuit, en allumant des alumettes ou un feu. Malgré tout cela, on en surprend un ici ou là occasionnellement.

L’un d’eux qui me donna le plus de tablature, fut un métis du nom de William Jordan. C’était le fils cadet d’un ancien agent de la Compagnie de la Baie d’Hudson à Godbout. Ses deux frères aînés possédaient de l’instruction et avaient pris les habitudes de vivre des blancs, mais chez William, le pur Indien s’affichait. Il avait toujours refusé d’aller à l’école ; c’était une mauvaise tête. Finalement, il quitta son père, pour aller vivre chez les Indiens. Garçon de belle prestance, il mesurait plus de six pieds, était fort comme un cheval et magnifique chasseur. On le connaissait bien aussi comme étant l’un des deux Indiens qui avaient proféré des menaces contre le Dr  Adamson et ses gens, et harponné du saumon droit en face de leur camp. Il fut arrêté et relâché sur promesse de se mieux conduire. Il ne causa jamais de trouble après cela en public, mais chaque fois qu’il en avait la chance, il harponnait de temps à autre un poisson pour sa propre nourriture. Naturellement, j’étais au courant de tout cela par les traces qu’il en laissait. Ce manège dura trois ou quatre ans, et en dépit de toutes mes tentatives, je ne pouvais le surprendre. Au bout de quelques temps, il devint même très effronté ; il se vantait de ses exploits de braconnage, de façon à ce que la chose me vînt aux oreilles. Il poussa l’effronterie jusqu’à déposer un saumon sur une planche qui servait de siège sur le bord d’une fosse à saumon.