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UNE CHASSE DE L’ANCIEN TEMPS AU CARIBOU

En quelques secondes, tous les autres l’avaient suivi en se précipitant comme un nuage à travers le lac.

Soixante-seize gisaient sur le terrain, et cinq avaient été tués par les chefs chasseurs dans leur poursuite. Nous avions en tout seize fusils, et nous avions bien tiré quelque chose comme trois cents coups.

Pour ma part, j’avais tiré trente-huit caribous.

Le tir s’était fait dans un rayon d’un demi-mille, sans la moindre égratignure pour personne, ce qui montre le soin qu’y avaient apporté les chasseurs.

Toute la chasse, y compris la mise en fourrière des caribous, avait duré deux heures. Quelques jeunes braves furent envoyés aux camps et en revinrent avec les squaws. Tout aussitôt l’écorchage et le dépeçage commencèrent. Trois seulement furent dépecés pour le repas du soir et le déjeuner du lendemain ; mais tous furent éventrés, vidés, mis en deux rangs, et recouvert de neige pour les empêcher de se congeler, attendu que le véritable dépeçage et la répartition du gibier ne se faisaient que le lendemain, car au lieu de haler toute cette viande au camp, on devait faire camp sur place.

La tête, le cœur, le foie, et les rognons sont généralement mangés à l’état frais ; la langue et la viande sont fumées et séchées ; la viande est taillée en longues et minces bandes ; les intestins sont nettoyés et bourrés de tous les débris et les restes de gras ; on en confectionne une saucisse qui est aussi fumée.

L’estomac est à demi vidé de sa masse alimentaire partiellement digérée, et tout le sang que l’on peut recueillir de l’animal, est soutiré de la cavité de la poitrine et y est versé, puis l’on en noue les orifices. On le suspend à l’intérieur du camp où il est exposé à la chaleur du feu. La fermentation s’y produit bientôt, et il commence à se gonfler de gaz. La