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TRAGÉDIE SUR LA CÔTE NORD

Poitras n’a jamais fait d’aveu, mais les circonstances semblèrent indiquer que le bateau avait été viré de bord, et que pendant qu’il était à se reposer, Ouellet avait été frappé à la tête d’un coup de barre du gouvernail, qui n’avait fait que l’étourdir. Il s’en serait suivi une prise de corps et Ouellet aurait été poignardé à mort avec son couteau de boucherie. Signes évidents qu’il y avait eu lutte, c’est que Ouellet portait une coupure à la main, qu’il avait dû se faire, tout probablement, en essayant de saisir le couteau, et que les habits de Poitras étaient tout déchirés, et qu’il était lui-même marqué d’égratignures.

Une barge, hors la connaissance de Poitras, était partie aussi le même soir de Cap Chat pour la côte nord. Durant la nuit, son propriétaire avait entendu des bruits étranges, de hauts cris et des plaintes qu’il n’avait pu s’expliquer.

Le lendemain matin, Poitras était près des Îles-de-Mai où il atterrissait ; il choisit une anse bien écartée pour enterrer le corps de Ouellet, après l’avoir dépouillé de tous ses vêtements, moins sa camisole de laine. Il traîna le cadavre à cinquante verges dans la forêt, creusa une fosse peu profonde, y jeta son fardeau et le recouvrit soigneusement de feuilles et de bois pourri.

L’endroit était l’un des plus solitaires qu’on pouvait trouver sur toute la côte. Il n’était pas sur le passage des gens, mais à quinze milles de distance de l’habitation la plus proche, dans l’ordre naturel des choses, il aurait pu s’écouler des années avant que quelqu’un pût venir tout près de cet endroit.

C’est ce que sans doute Poitras présumait, après avoir mis la dernière main à son ignoble forfait.

Mais, il en devait être autrement, comme on va le voir par la suite.