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PERDU DANS LA FORÊT

se faire chauffer une tasse de thé et repartir sans déranger personne, et personne ne se formalisait de ce départ sans cérémonie.

C’était justement ce que nous avions projeté de faire ce matin-là.

Vers trois heures, mon Sauvage s’était levé. Mettant la bouillotte sur le poêle, il alla au lave-mains pour faire ses ablutions matutinales, lorsque tout à coup, j’entendis un hurlement, je fus aussitôt sur pieds et j’aperçus l’Indien qui se démenait sur le parquet, en tenant sa tête mouillée entre ses deux mains. Je savais bien qu’il n’était pas ivre, mais en m’approchant de lui, je sentis une forte odeur de gin. Je compris ce qui était arrivé, le pauvre garçon, s’était lavé dans du gin. Le seau pendu à la cheville en était rempli, de même que notre bouilloire, qu’on put enlever juste à temps, je crois, avant qu’elle ne prît feu.

Tout le monde se leva. Ce fut un grand éclat de rire à nos dépens, et notre départ ne put s’opérer à la sourdine, comme nous l’avions anticipé.

MON COUSIN WILLIAM

Dans les premiers temps où je faisais la trappe, j’avais un oncle qui demeurait à Trois-Rivières. C’était un homme à l’aise et ses trois fils avaient l’avantage de recevoir une bonne éducation. Deux d’entre eux profitaient de l’aubaine, mais l’un d’eux, William, était paresseux, ivrognait quand il en avait l’occasion et n’était pas toujours scrupuleux sur les moyens de se procurer la goutte. Il avait assez bien appris à lire et à écrire en français et en anglais et utilisait son petit savoir en lisant des romans. Les histoires de Peaux-Rouges et de pirates, et les Relations des Jésuites dont l’exemplaire appartenait à