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À TRAVERS LE SAINT-LAURENT

Nous eûmes alors une sorte de mince abri contre une bise glaciale et un froid de plus en plus mordant.

Notre travail dans la glace nous avait quelque peu réchauffés. J’en profitai pour enlever mes pantalons et mes bas, afin de les tordre, car, en halant un des canots sur la glace, j’avais passé au travers de celle-ci, et je m’étais trouvé à l’eau jusqu’à la ceinture. Tout ce que j’avais à faire alors était de marcher, de me battre les mains et les pieds pour entretenir la chaleur.

Je me sentis bientôt réchauffé de cette façon et j’engageai les autres à en faire autant. La glace, chassée du rivage par l’ouragan, nous ouvrit une grande mare d’eau libre au nord de nous. Ceci ranima l’espoir chez tous. Si le vent se calmait, nous avions encore une chance de sortie de ce côté-là.

Nous n’avions rien à nous mettre sous la dent, et, toute la journée je tins mon fusil et ma carabine prêts, au cas où quelque loup-marin se montrerait à portée. Nous en vîmes quelques-uns, mais ils étaient trop loin ; cependant, j’eus la récompense de ma patience en ce qu’il m’arriva de pouvoir tirer sur une bande de Kakawis, canard à longue queue, vieilles squaws. J’en fis tomber trois que nous pûmes recueillir. C’était une providence. Mon frère souffrait du froid aux pieds et aux mains. Je plumai les oiseaux et bourrai de plumes chaudes et sèches ses mitaines et ses souliers ; les Labrie en firent autant avec ce qui en restait. Quant aux oiseaux eux-mêmes, je les mis en réserves dans mon sac.

Toute cette journée-là, nous la passâmes sur notre bloc de glace. Le vent avait encore augmenté de violence ; le temps s’était éclairci, mais le froid était devenu intense. On enregistra ce soir-là à la Pointe-des-Monts 15° Fahrenheit au dessous de zéro.