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CHARLES MOREAU

était que, dans une circonstance, je lui avais sauvé la vie. Il était à se baigner avec un autre jeune indien de son âge, dans la rivière Godbout. Les rives y sont très à pic et en quelques endroits il y a des fosses profondes et un fort courant. Ni lui, ni son compagnon ne savaient nager, mais à l’aide de deux petits avirons de cèdre, Charles pouvait se faire flotter une minute ou deux. En descendant vers la rivière, je les aperçus, et, me cachant derrière les buissons, je m’y assis pour les regarder faire, car ils ne voulaient jamais se baigner devant moi ou avec moi.

Après avoir pataugé ici et là et fait éclabousser l’eau pendant quelques minutes, Charles se trouva emporté par le courant jusque dans le chenal. En tentant de toucher fond pour se reposer, l’eau lui passa par-dessus la tête, et à mesure que le courant l’emportait, l’eau se faisait plus profonde.

Il perdit contenance, lâcha ses avirons et de ses deux pieds, se poussa du fond. La première fois qu’il revint à la surface, il eut la tête hors de l’eau, puis il disparut presqu’aussitôt.

Son compagnon sur la grève, ne parut pas s’apercevoir qu’il se passait quelque chose d’inusité, pensant que Charles faisait le phoque. Je me précipitai sur la grève juste au moment où il disparaissait pour la seconde et dernière fois. En courant, je m’étais débarrassé d’une partie de mes vêtements, et me jetant à l’eau j’arrivai vite à l’endroit où je l’avais vu en dernier lieu. En regardant tout autour de moi dans l’eau, j’aperçus sa longue chevelure toute étalée, ayant l’espect de ces formes gélatineuses appelées Méduses, Medusæ. Je plongeai et l’empoignant solidement par les cheveux, je le remontai à la surface. Pendant que j’accomplissais ceci, il se retourna et me saisit le bras d’une telle force que je m’en suis