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SERVICE DE LA POSTE

service particulier entre Moisie et Bersimis. Le tarif des lettres cueillies en route était le même que celui de la Compagnie de la Baie d’Hudson, vingt-cinq sous par lettre ; on y employait deux hommes qui faisaient de quatre à cinq voyages par hiver, en transportant en moyenne, de quinze à vingt livres de matières postales par voyage. Après mon premier voyage avec le vieil Adrien Ploute à Bersimis, je servis fréquemment de guide aux courriers dans le long portage de la rivière Manicouagan. On regardait comme bonne paye dix ou douze piastres pour pareil service dans ce temps-là, mais c’était, de l’argent durement gagné.

Au cours d’un de ces voyages, deux employés de la Cie Molson, Brochu et Lévesque, pour qui j’agissais comme guide, faillirent perdre la vie. C’était notre première journée après avoir quitté Godbout et nous avions projeté de camper à la nuit même près de la rivière Mistassini. Environ quatre milles avant d’arriver à la rivière, la route passe près du bord de la mer, en faisant ainsi éviter l’éperon d’une haute montagne. De la route on pouvait voir à travers les arbres le bord de la grève qui, à cet endroit était de niveau. J’étais à quelque distance en avant d’eux, ouvrant le chemin. Comme je n’avais aucun autre colis que mes provisions à transporter, mon sac était infiniment plus léger que le leur, et souvent j’étais obligé de m’arrêter et les attendre.

Quand les deux jeunes gens arrivèrent à cette partie de la route, il leur prit fantaisie de continuer le trajet par le chemin dur de la grève, au lieu de suivre mon sentier à travers le bois. Tout alla bien pendant quelque temps, mais ils se trouvèrent bientôt en face d’un rocher taillé abrupt, qu’ils ne pouvaient contourner, attendu que la mer