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SERVICE DE LA POSTE

Nous y arrivâmes en bon temps. Peu après, nous y avions un bon feu et nous pûmes y passer assez confortablement la nuit. Nous portions tous des mocassins de peau de loup-marin pour la raquette ; ceux de Lévesque dégouttaient l’eau, il les pendit à une traverse près de l’ouverture pour la fumée. Je l’avertis d’avoir à les enlever avant de se mettre à dormir. Mais il était peut-être trop fatigué pour y voir, ou bien il l’oublia, et moi-même, aussi très fatigué, je m’endormis bientôt.

Combien de temps ai-je dormi, je n’en sais rien Toujours est-il que notre feu était bas. Je lui donnai une nouvelle attisée, et à la lumière du foyer, j’aperçus les mocassins de Lévesque, tout ratatinés et raccourcis à environ cinq pouces de longueur. Ils étaient brûlés et en essayant d’en redonner sa forme à un, il se déchira. La peau verte et humide, de quelqu’animal qu’elle vienne, brûle facilement, même à la chaleur modérée du soleil.

Le lendemain matin nous eûmes à improviser une paire de souliers à même la toile d’un de nos sacs à provisions, et une paire de bas de laine lui servit de mitaines. À part d’une meurtrissure que Brochu s’était faite au pied en tombant, ni l’un ni l’autre ne se ressentirent du bain d’eau salée qu’ils avaient pris.

Deux jours plus tard nous atteignions Manicouagan où Thibeau le trappeur, avait un logis confortable. Brochu avait toujours son pied blessé qui le faisait tellement souffrir, qu’il ne put continuer. Je m’arrangeai moyennant certaine considération, pour porter, aller et retour, son sac de malle jusqu’à Bersimis, pendant qu’il resterait chez Thibeau pour se mettre le pied au repos. Lévesque acheta une paire de chaussures. Nous partîmes à bonne heure et nous arrivâmes le même soir à Bersimis, la marche nous ayant été facile surtout sur la glace le long de la côte.