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paul vidal de la blache

rissent, qui meurent. Mais il est rare qu’ils disparaissent, dans nos pays de constructions solides, sans laisser de traces : voyez les pays classiques des bords de la Méditerranée, ou même le Mexique et le Yucatan. Il y a, comme disait Ratzel, une géographie des ruines ; et la persistance dont elles font preuve dans les contrées de la pierre et du mortier, est en elle-même un fait géographique. Les anciens auteurs croyaient exprimer le comble de l’anéantissement quand ils disaient : Etiam periere ruinæ ! [Même les ruines ont péri ! ] Il y a pourtant des contrées où les ruines elles-mêmes périssent : celles où la fragilité des matériaux ne résiste pas aux assauts des agents naturels, aux atteintes d’une nature aussi puissante pour la destruction que pour la création ; celles où les établissements humains, n’ayant pas poussé autour d’eux les fortes racines qui contribuent à assurer leur perpétuité, se déplacent, se transportent comme la tente du nomade. Il n’en reste plus alors que des traces semblables à celles que les botanistes retrouvent de la forêt, quand elle a disparu : d’humbles plantes ; et dans le cas qui nous occupe, quelques végétaux ou légumes apportés par l’homme et continuant à végéter après son départ. Les voyageurs nous ont plusieurs fois décrit ce spectacle dans les régions cultivées de l’Afrique centrale.

Tel est le champ d’observations en partie inexploré qu’offre l’étude des établissements humains, et qui est une des substances fécondes de la science géographique. Je me suis borné ici à parler des observations qu’on peut faire dans nos contrées ; autour de nos centres universitaires, en des excursions d’étudiants et professeurs. Mais si l’on étend ce genre d’observations, non plus à des contrées restreintes, mais à l’ensemble de la terre habitée, que de matières à d’utiles méditations ! Les steppes, les sylves tropicales, les bords et les alluvions des rivières, les confins de la forêt arctique et de la toundra, offrent des modes d’établissements, soit permanents, soit temporaires, qui sont adaptés aux conditions du milieu et particulièrement au genre de vie qui s’est développé dans ce milieu. Ici c’est le roseau, le palmier et la liane ; là c’est la brique et la terre ; ailleurs le bois ou même les mottes de neige qui en fournissent les matériaux. Je ne rappelle ces grandes diversités que pour