Page:Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences, tome 001, 1835.djvu/176

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également habile à colliger des faits et à déduire de leur ensemble les plus judicieuses et les plus justes conclusions, a dit : Non numerandœ sed perpendendœ observationes,  il ne faut pas compter, mais il faut peser les faits, il a énergiquement exprimé l’une des conditions les plus importantes de la théorie du calcul des probabilités applicable à la médecine pratique.

» À présent, de ce que l’inflexibilité du calcul et la rigueur apparente des chiffres ne sauraient être appliquées d’une manière absolue à la médecine, est-ce à dire que notre science n’a point aussi une série appréciable de probabilités, qu’elle manque d’un certain degré d’assurance dans sa marche, et qu’il lui reste à souhaiter jusqu’aux moindres certitudes dans ses résultats ? Non sans doute ; et ici nous aurons encore pour nous l’assentiment de plusieurs célèbres géomètres ; la condition des sciences médicales, à cet égard, n’est pas pire, n’est pas autre que la condition de toutes les sciences physiques et naturelles, de la jurisprudence, des sciences morales et politiques, etc.

» Toutes les fois qu’il n’est point donné à l’esprit humain de s’élever jusqu’à cette certitude mathématique que l’on trouve en Astronomie, par exemple, l’exigence ultérieure de la raison veut que l’on fasse marcher ensemble ce qui frappe l’imagination et ce qui persuade l’entendement : la logique des faits appelle à son secours la logique de la pensée. Le raisonnement prend alors la forme d’une sorte de calcul dont le résultat acquiert de l’empire sur notre croyance, précisément par l’effet de la répétition des jugemens ou des observations. La bonté de ce calcul dépend, ici comme partout, du choix des données, et ensuite du bon emploi qu’on en fait ; et ce bon emploi ne peut consister que dans l’examen le plus détaillé des circonstances de chaque donnée, dans le soin de les décomposer autant qu’il est possible, afin de n’avoir à prononcer que sur des propositions d’une égale simplicité, d’une égale évidence et surtout afin de tenir son esprit en garde contre toute partialité en faveur du résultat quel qu’il puisse être[1].

» Ajoutons que, sur presque tous les points, le calcul ne donne guère que ce que l’induction a déjà fourni, ce que la raison seule aurait au moins fait soupçonner[2].

» On le voit clairement, l’induction, l’analogie, des hypothèses fondées

  1. Lacroix, Calcul des Probabilités.
  2. Condorcet, Essai sur l’application de l’Analyse à la probabilité des décisions à la pluralité des voix. (Discours préliminaire.)