Page:Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences, tome 001, 1835.djvu/474

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connue, contre un accusé, par un tribunal ou un jury composé d’un nombre de personnes également connu. La solution qu’il a donnée de ce problème, l’un des plus délicats de la théorie des probabilités, est fondée sur le principe qui sert à déterminer les probabilités des causes diverses auxquelles on peut attribuer les faits observés ; principe que Blayes a présenté d’abord sous une forme un peu différente, et dont Laplace a fait ensuite le plus heureux usage, dans ses mémoires et dans son traité, pour déterminer la probabilité des événements futurs, d’après l’observation des événements passés : toutefois, en ce qui concerne le problème de la probabilité des jugements, il est juste de dire que c’est à Condorcet qu’est due l’idée ingénieuse de faire dépendre sa solution, du principe de Blayes, en considérant successivement la culpabilité et l’innocence de l’accusé, comme la cause inconnue du jugement prononcé, qui est alors le fait observé, duquel il s’agit de déduire la probabilité de cette cause. L’exactitude de ce principe se démontre en toute rigueur ; son application à la question qui nous occupe ne peut non plus laisser aucun doute ; mais pour cette application, Laplace fait une hypothèse qui n’est point incontestable : il suppose que la probabilité qu’un juré ne se trompera pas, est susceptible de tous les degrés également possibles, depuis la certitude, représentée par l’unité, jusqu’à l’indifférence, désignée dans le calcul par la fraction , et qui répond à une chance égale d’erreur et de vérité. L’illustre géomètre fonde cette hypothèse sur ce que l’opinion d’un juré a sans doute plus de tendance vers la vérité que vers l’erreur ; ce qu’on doit admettre effectivement en général ; mais il existe une infinité de lois différentes de probabilité des erreurs qui satisfont à cette condition, sans qu’il soit nécessaire de supposer que la probabilité qu’un juré ne se trompera pas, ne puisse jamais descendre au-dessous de , et qu’au-dessus de cette limite, toutes ses valeurs soient également possibles. Indépendamment de l’hypothèse particulière que Laplace a faite sur la probabilité de l’opinion d’un juré, et que je n’ai point admise, non plus qu’aucune autre, je m’écarte encore de la méthode qu’il a suivie pour résoudre le problème, en d’autres points qu’il serait difficile d’indiquer dans ce préambule, mais qui seront examinés scrupuleusement dans la suite de l’ouvrage. Les solutions différentes que l’on trouve, soit dans le Traité des Probabilités[1], soit dans le premier Supplément à ce grand ouvrage[2], ont toujours laissé beaucoup de doutes dans mon esprit ;

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