Page:Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences, tome 001, 1835.djvu/482

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ment des passions, du défaut de lumières, varient sur une plus grande échelle que la vie humaine, depuis l’enfant qui meurt en naissant, jusqu’à celui qui deviendra centenaire ; qu’ils soient plus difficiles à prévoir que les circonstances qui feront périr un vaisseau dans un long voyage ; plus capricieux que le sort qui amène une carte ou un coup de dé. L’exposition que je vais faire des données de l’expérience, sur lesquelles je me suis appuyé dans la question de la probabilité des jugements, confirmera pleinement ces considérations générales. On y verra que, sous l’empire d’une même législation, le rapport du nombre des condamnations à celui des accusés dans toute la France, a très peu varié d’une année à une autre ; en sorte qu’il a suffi de considérer environ 7000 cas, c’est-à-dire le nombre de jugements prononcés chaque année par les jurys, pour que ce rapport parvînt sensiblement à la permanence ; tandis que dans d’autres questions, et, par exemple, dans celle de la vie moyenne, que je viens de citer, un pareil nombre serait bien loin d’être assez grand pour conduire à un résultat constant. On y verra aussi, d’une manière frappante, l’influence des causes générales sur le rapport dont il s’agit, qui a varié toutes les fois que la législation a changé.

» Le gouvernement a publié les Comptes généraux de l’administration de la justice criminelle, pendant les neuf années écoulées depuis 1825 jusqu’à 1833 ; c’est dans ce recueil authentique, et présenté avec un soin remarquable, que j’ai puisé tous les documents dont j’ai fait usage. Le nombre des procès jugés annuellement par les cours d’assises, a été d’à peu près 5000, et celui des accusés d’environ 7000. Depuis 1825 jusqu’à 1830 inclusivement, la législation n’a pas changé, et les décisions des jurys ont été rendues à la majorité d’au moins sept voix contre cinq, sauf l’intervention de la cour dans les cas de deux voix seulement de différence. En 1831, cette intervention a été supprimée, et l’on a exigé la majorité d’au moins huit voix contre quatre, ce qui a dû rendre les acquittements plus fréquents. Le rapport de leur nombre à celui des accusés pendant l’intervalle des six premières années s’est trouvé égal à 0,39, en négligeant les millièmes ; une seule année, il s’est abaissé à 0,38, et une autre année, il s’est élevé à 0,40 ; d’où il résulte que dans cette période, il n’a varié, d’une année à une autre, que d’un centième de part et d’autre de sa valeur moyenne. On peut donc prendre 0,39 pour la valeur de ce rapport, et 0,61 pour le rapport du nombre des condamnations à celui des accusés, sous l’empire de la législation antérieure à 1831.