Page:Comte - Discours sur l’esprit positif.djvu/100

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suite même de la difficile rénovation qu’elle exigerait d’eux pour les associer directement à sa principale élaboration. Si cette inévitable opposition devait se borner aux esprits essentiellement théologiques ou métaphysiques, elle offrirait peu de gravité réelle, parce qu’il resterait un puissant appui chez ceux, dont le nombre et l’influence croissent journellement, qui sont surtout livrés aux études positives. Mais, par une fatalité aisément explicable, c’est de ceux-là mêmes que la nouvelle école doit peut-être attendre le moins d’assistance et le plus d’entraves : une philosophie directement émanée des sciences trouvera probablement ses plus dangereux ennemis chez ceux qui les cultivent aujourd’hui. La principale source de ce déplorable conflit consiste dans la spécialisation aveugle et dispersive qui caractérise profondément l’esprit scientifique actuel, d’après sa formation nécessairement partielle, suivant la complication croissante des phénomènes étudiés, comme je l’indiquerai expressément ci-dessous. Cette marche provisoire, qu’une dangereuse routine académique s’efforce aujourd’hui d’éterniser, surtout parmi les géomètres, développe la vraie positivité, chez chaque intelligence, seulement envers une faible portion du système mental, et laisse tout le reste sous un vague régime théologico-métaphysique, ou l’abandonne à un empirisme encore plus oppressif, en sorte que le véritable esprit positif, qui correspond à l’ensemble des divers travaux scientifiques, se trouve, au fond, ne pouvoir être pleinement compris par aucun de ceux qui l’ont ainsi naturellement préparé. De plus en plus livrés à cette inévitable tendance, les savants proprement dits sont ordinairement conduits, dans notre siècle, à une insurmontable aversion contre toute idée