Page:Comte - Discours sur l’esprit positif.djvu/107

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communément de comprendre la sociabilité moderne. En considérant que presque tous ceux qui, à divers égards, dirigent maintenant les affaires humaines, y ont été ainsi préparés, on ne saurait être surpris de la honteuse ignorance qu’ils manifestent trop souvent sur les moindres sujets, même matériels, ni de leur fréquente disposition à négliger le fond pour la forme, en plaçant au-dessus de tout l’art de bien dire, quelque contradictoire ou pernicieuse qu’en devienne l’application, ni enfin de la tendance spéciale de nos classes lettrées à accueillir avidement toutes les aberrations qui surgissent journellement de notre anarchie mentale. Une telle appréciation dispose, au contraire, à s’étonner que ces divers désastres ne soient pas ordinairement plus étendus ; elle conduit à admirer profondément la rectitude et la sagesse naturelles de l’homme, qui, sous l’heureuse impulsion propre à l’ensemble de notre civilisation, contiennent spontanément, en grande partie, ces dangereuses conséquences d’un absurde système d’éducation générale. Ce système ayant été, depuis la fin du moyen âge, comme il l’est encore, le principal point d’appui social de l’esprit métaphysique, soit d’abord contre la théologie, soit ensuite aussi contre la science, on conçoit aisément que les classes qu’il n’a pu développer doivent se trouver, par cela même, beaucoup moins affectées de cette philosophie transitoire, et dès lors mieux disposées à l’état positif. Or, tel est l’important avantage que l’absence d’éducation scolastique procure aujourd’hui à nos prolétaires, et qui les rend, au fond, moins accessibles que la plupart des lettrés aux divers sophismes perturbateurs, conformément à l’expérience journalière, malgré une excitation continue, systématiquement dirigée