Page:Comte - Discours sur l’esprit positif.djvu/117

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dédain de tels progrès, ou à les écarter par une sorte d’ajournement continu, d’après la minime importance relative que devait naturellement leur laisser cette éternelle perspective, immense compensation spontanée de toutes les misères quelconques.

Cette sommaire appréciation suffit maintenant à signaler, sous les divers aspects essentiels, l’affinité nécessaire des classes inférieures pour la philosophie positive, qui, aussitôt que le contact aura pu pleinement s’établir, trouvera là son principal appui, naturel, à la fois mental et social ; tandis que la philosophie théologique ne convient plus qu’aux classes supérieures, dont elle tend à éterniser la prépondérance politique, comme la philosophie métaphysique s’adresse surtout aux classes moyennes, dont elle seconde l’active ambition. Tout esprit méditatif doit ainsi comprendre enfin l’importance vraiment fondamentale que présente aujourd’hui une sage vulgarisation systématique des études positives, essentiellement destinée aux prolétaires, afin d’y préparer une saine doctrine sociale. Les divers observateurs qui peuvent s’affranchir, même momentanément, du tourbillon journalier s’accordent maintenant à déplorer, et certes avec beaucoup de raison, l’anarchique influence qu’exercent, de nos jours, les sophistes et les rhéteurs. Mais ces justes plaintes resteront inévitablement vaines tant qu’on n’aura pas mieux senti la nécessité de sortir enfin d’une situation mentale, où l’éducation officielle ne peut aboutir, d’ordinaire, qu’à former des rhéteurs et des sophistes, qui tendent ensuite spontanément à propager le même esprit, par le triple enseignement émané des journaux, des romans, et des drames, parmi les classes inférieures, qu’aucune instruction régulière ne garantit de la