Page:Comte - Discours sur l’esprit positif.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

jugée très imparfaite si on la rapportait à l’univers et non à l’homme ; puisque toutes nos études réelles y sont nécessairement bornées à notre monde, qui pourtant ne constitue qu’un minime élément de l’univers, dont l’exploration nous est essentiellement interdite. Telle est donc la disposition générale qui doit finalement prévaloir dans la philosophie vraiment positive, non seulement quant aux théories directement relatives à l’homme et à la société, mais aussi envers celles qui concernent les plus simples phénomènes, les plus éloignés, en apparence, de cette commune appréciation : concevoir toutes nos spéculations comme des produits de notre intelligence, destinés à satisfaire nos divers besoins essentiels, en ne s’écartant jamais de l’homme qu’afin d’y mieux revenir, après avoir étudié les autres phénomènes en tant qu’indispensables à connaître, soit pour développer nos forces, soit pour apprécier notre nature et notre condition. On peut dès lors apercevoir comment la notion prépondérante de l’Humanité doit nécessairement constituer, dans l’état positif, une pleine systématisation mentale, au moins équivalente à celle qu’avait finalement comportée l’âge théologique d’après la grande conception de Dieu, si faiblement remplacée ensuite, à cet égard, pendant la transition métaphysique, par la vague pensée de la Nature.

Après avoir ainsi caractérisé l’aptitude spontanée de l’esprit positif à constituer l’unité finale de notre entendement, il devient aisé de compléter cette explication fondamentale en l’étendant de l’individu à l’espèce. Cette indispensable extension était jusqu’ici essentiellement impossible aux philosophes modernes, qui, n’ayant pu suffisamment sortir eux-mêmes de l’état