Page:Comte de Lautréamont - Poésies II.djvu/9

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de l’humanité, considérée en elle-même, dans ses membres illustres. La dernière élève l’âme, indépendamment de la durée, de l’espace, jusqu’à la conception de l’humanité, considérée dans son expression la plus haute, la volonté ! Les premiers s’occupent des vices, des vertus ; la dernière ne s’occupe que des vertus. Les sentiments ne connaissent pas l’ordre de leur marche. L’analyse des sentiments apprend à le faire connaître, augmente la vigueur des sentiments. Avec les premiers, tout est incertitude. Ils sont l’expression du bonheur, de la douleur, deux extrêmes. Avec la dernière, tout est certitude. Elle est l’expression de ce bonheur qui résulte, à un moment donné, de savoir se retenir, au milieu des passions bonnes ou mauvaises. Elle emploie son calme à fondre la description de ces passions dans un principe qui circule à travers les pages : la non-existence du mal. Les sentiments pleurent quand il le leur faut, comme quand il ne le leur faut pas. L’analyse des sentiments ne pleure pas. Elle possède une sensibilité latente, qui prend au dépourvu, emporte au-dessus des misères, apprend à se passer de guide, fournit une arme de combat. Les sentiments, marque de la faiblesse, ne sont pas le sentiment ! L’analyse du sentiment, marque de la force, engendre les sentiments les plus magnifiques que je connaisse. L’écrivain qui se laisse tromper par les sentiments ne doit pas être mis en ligne de compte avec l’écrivain qui ne se laisse tromper ni par les sentiments, ni par lui-même. La jeunesse se propose des élucubrations sentimentales. L’âge mûr commence à raisonner sans trouble. Il ne faisait que sentir, il pense. Il laissait vagabonder ses sensations : voici qu’il leur donne un pilote. Si je considère l’humanité comme une femme, je ne développerai pas que sa jeunesse est à son déclin, que son âge mûr s’approche. Son esprit change dans le sens du mieux. L’idéal de sa poésie changera. Les tragédies, les poëmes, les élégies ne primeront plus. Primera la froideur de la maxime ! Du temps de Quinault, l’on aurait été capable de comprendre ce que je viens de dire. Grâce à quelques lueurs, éparses, depuis quelques années, dans les revues, les in-folios, j’en suis capable moi-même. Le genre que j’entreprends est aussi différent du genre des moralistes, qui ne font que constater le mal, sans indiquer le remède, que ce dernier ne l’est pas des mélodrames, des oraisons funèbres, de l’ode, de la stance religieuse. Il n’y a pas le sentiment des luttes.

Elohim est fait à l’image de l’homme.

Plusieurs choses certaines sont contredites. Plusieurs choses fausses sont incontredites. La contradiction est la marque de la fausseté. L’incontradiction est la marque de la certitude.

Une philosophie pour les sciences existe. Il n’en existe pas pour