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Page:Conan - À l’oeuvre et à l’épreuve - 1893.djvu/21

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C’était sa grande caresse, la seule qu’elle se permît jamais ; et Gisèle en ressentit une sensible joie.

— Je ne vous oublierai jamais, reprit l’abbesse, de sa voix douce et ferme. Mes pensées, mes prières vous suivront partout… Mais, croyez-moi, n’attendez pas trop du monde et de la vie.

Gisèle avait pour la mère Angélique le plus grand respect : et, malgré la joie qui bouillonnait en son cœur, ces paroles firent sur elle une certaine impression.

— Vous me parlez, dit-elle, un peu troublée, comme s’il n’y avait pour moi que des dangers et des peines… Mais je ne suis pas abandonnée sur la terre. M. et Madame Garnier m’ont toujours témoigné beaucoup d’amitié.

L’abbesse sourit comme une personne qui ne se trouve pas comprise, et reprit :

— M. et Madame Garnier méritent toute votre reconnaissance, toute votre affection. Ils vous aiment comme si vous étiez leur propre fille… Ma pauvre enfant, ce n’est pas l’indifférence, ce n’est pas l’abandon que je redoute pour vous… Vous ne serez que trop aimée — ce qui est un grand malheur.

Ces mots furent dits avec une tendre et grave pitié ; et la mère Angélique avait la manière de dire qui fait les hommes éloquents.