Page:Conan - À l’oeuvre et à l’épreuve - 1893.djvu/252

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les apôtres et les martyrs, cela me semble un rêve, dit tout à coup le P. Ragueneau.

— Ah, murmura Charles Garnier, si Dieu daignait nous accorder une semblable mort !

— Bien probablement, parmi nous, il y en aura d’autres qui mourront aussi pour la cause de Dieu…

— Mais quant à moi, je ne l’espère guère. Pour m’empêcher de baptiser un mourant, un Huron m’a une fois déchargé un coup de hache sur la tête… Mais, il ne m’a pas même coupé un cheveu… Voyez-vous, je ne méritais pas de mourir pour la foi.

Charles Garnier sourit sans rien dire et les deux religieux prirent le sentier qui menait à Sainte-Marie.

Cette maison, que les missionnaires nommaient leur paradis — elle représentait bien des années d’héroïque et crucifiant travail, elle était une preuve étonnante de ce que peut la volonté humaine, et à la pensée qu’il fallait l’abandonner, la réduire en cendres, les deux jésuites ressentirent une amère douleur. Mais ni l’un ni l’autre ne se permit une parole de regrets.

— Les pauvres misérables ! dit le P. Raguenau regardant les sauvages qui préparaient leurs provisions de maïs pilé. Je vous assure que c’était