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Page:Conan - À l’oeuvre et à l’épreuve - 1893.djvu/96

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« Je tâchais de paraître calme. Lui, attentif et grave, marchait à côté de moi.

« Dieu sait que je n’avais pas envie de parler ; mais son silence m’oppressait. J’éprouvais un besoin étrange d’entendre sa voix ; et, pendant que nous traversions la lande, je lui dis : Charles, j’ai toujours devant les yeux les deux grandes vagues s’entrechoquant. Comme c’était beau et terrible, ce conflit entre ces deux forces irrésistibles !

— « Il n’y a qu’une force irrésistible, répondit-il, d’une voix altérée.

« Quand nous fûmes en voiture, il se renversa dans son coin et ne prononça plus une parole.

« Je voyais qu’il souffrait, qu’il aurait voulu me cacher sa souffrance, et je n’osais pas le regarder.

« On nous attendait pour souper.

« Le repas me parut long. Les questions qu’on nous adressait me mettaient au supplice. Puis, j’avais hâte d’être seule.

« Les lumières, placées à chaque bout de la table, éclairaient vivement la figure de M. de Champlain et celle de Charles.

« M. de Champlain était un peu pensif, mais semblait heureux. Il n’aime rien comme sa colonie ; et, on le sent, c’est avec un secret bonheur qu’il lui sacrifie tout.