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ÉLISABETH SETON

roïque femme devait encore souffrir pour mériter ce bonheur divin que l’amour fit vraiment son œuvre dans son cœur !

À la tristesse du cœur, pareille, dit l’Écriture, à une plaie universelle, vinrent s’ajouter de rudes tentations, et toute l’amertume des peines intérieures. Elle écrivait à son directeur, M. Bruté de Rémur :


« Oh ! si vous saviez seulement la moitié de mes répugnances à faire une instruction ou un catéchisme, — les délices de mon cœur autrefois, — il me semble que vous prendriez en mépris cette lâche et ingrate pécheresse. Le cher Maître cependant me dit : « Tu dois faire ceci, et tu le feras, uniquement à cause que tu sais que je le veux. Confie-moi ton faible cœur, et ta pauvre tête toute malade, c’est moi qui agirai pour toi. »

« Quelquefois, — le démon a des contrariétés si cruelles ! — là où l’on s’imagine avoir quelque succès bien évident, il se montre tout à coup et il dit : « Regarde comme les voilà touchées, comme elles t’écoutent toutes silencieuses et attentives : quel respect, quel regard d’amour ! » Et il s’efforce de me distraire de toutes les manières. La pauvre, pauvre âme ne lui accorde pas même un coup d’œil ; elle va droit dans le chemin qui conduit à son cher Seigneur ; mais le cœur est si accablé, si appesanti par ce vil mélange !

« Ou bien, c’est au réfectoire ; mes larmes m’échappent, malgré moi ; la faiblesse, celle d’un enfant qui viendrait de naître, s’empare de toute ma personne. Mais le cher Maître est là qui me dit encore : « Penses-y donc, si tu étais là bien tranquille, pouvant manger toute seule ton petit morceau, et de la qualité que tu le voudrais, n’éprouvant d’ailleurs ni peine ni répugnance à te nourrir, où serait la part que j’aurais, moi, à un pareil repas ? C’est ici qu’est ta place, pour maintenir le bon ordre ; pour diriger celle qui fait la lecture ; pour donner l’exemple ; et pour manger joyeusement