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Page:Conan - Elisabeth Seton, 1903.djvu/22

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ÉLISABETH SETON


JOURNAL D’ÉLISABETH
(Écrit pour Rebecca Seton)


19 novembre 1803, 10 heures du soir.

« Une voix qui vous offrirait de vous dire en ce moment où est votre sœur, la sœur de votre âme, comme vous l’écouteriez avec avidité ! Eh bien, vous ne pourriez plus dormir tranquille dans votre lit, si vous la voyiez comme elle est, sous les verrous, dans le coin d’une immense prison, n’ayant de jour que par une étroite fenêtre fermée d’un double grillage en fer. Si j’ai quelque chose à demander, c’est par là qu’il faut que j’appelle ; alors paraît la sentinelle, armée de pied en cap, qui se promène avec un long fusil ; et tout cela, parce qu’on veut se préserver de la terrible contagion qu’on suppose que nous avons apportée de New-York… Dans la matinée, on nous apprit qu’un bateau se trouvait par le travers de notre navire ; je volai sur le pont, et aussitôt apercevant le cher Carleton[1], venu à notre rencontre, j’allais me précipiter dans ses bras, quand un garde que je remarquai pour la première fois, s’écria : N’approchez pas ! On venait d’apprendre, à Livourne, que la fièvre jaune sévissait à New-York, et comme nous n’avions pas de certificat de la Santé, il n’y avait rien à répondre.

« Le navire dut aller en rade, et mon pauvre William se préparer à entrer au lazaret, malade comme il était. Pendant que nous faisions nos apprêts pour nous y rendre, la troupe de musiciens, qui s’empresse toujours au-devant des étrangers, est venue jouer sous la fenêtre de notre cabine le Hail Columbia, et ces petits airs que les enfants chez nous chantent en dansant… Mon cœur était gonflé de tristesse et prêt à éclater. Mon pauvre William me

  1. Guy-Carleton Bayley, frère de Mme Seton.