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ÉLISABETH SETON

donnée de tous les siens, et cependant chérie, tendrement traitée par les plus favorisés des amis et des serviteurs de Dieu. Je vous le répète, de peur que vous n’ayez de l’inquiétude à ce sujet, — ce sont ici mes jours les plus heureux. Quelquefois la pauvre âme, accablée par cette succession de souffrances, soupire après un changement… En vérité, quand même je porterais une chaîne écrasante, quand je ne vivrais que de pain et d’eau, je devrais me sentir transportée de gratitude. Jamais, en aucun temps, je ne me suis trouvée si contente, si satisfaite de ma position. J’espère que c’est ici le temps de la moisson ; chaque heure amène son sacrifice. »


Abandon, injustices, injures, outrages, calomnies, elle souffrait tout avec joie ; mais elle ne pouvait, sans angoisse, penser à ce que deviendraient ses enfants, si la mort l’enlevait.

« Je ne m’attristerais pas de les laisser indigents, s’ils gardaient la foi, disait-elle, mais la garderaient-ils ? »

Pour ses fils qui grandissaient, elle comprenait quel péril extrême il y avait à vivre dans un milieu où le ridicule et la calomnie étaient sans cesse jetés sur le catholicisme. Son regard s’en allait souvent vers le Canada. Il lui semblait qu’à Montréal, elle trouverait facilement à gagner sa vie et celle de ses enfants. Mais Mgr Carroll et tous ceux qui s’intéressaient à elle s’opposèrent à ce projet. L’abbé Matignon, l’un des saints proscrits français, lui dit :

« Restez dans votre pays, Madame, car Dieu veut se servir de vous pour y faire une grande œuvre. »

Sans attacher beaucoup d’importance à cette prédiction, Mme Seton resta. Mais la vie lui était devenue intolérable à New-York. Aussi fut-elle ravie, quand un prêtre d’un grand mérite, M. du Bourg[1], qui venait de fonder un col-

  1. Plus tard évêque de la Louisiane ; puis en France, évêque de Montauban et archevêque de Besançon.