Page:Conan - La Vaine Foi, 1921.djvu/28

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Je protestai faiblement mais il poursuivit :

— Vous êtes une heureuse de la terre. Dieu vous a comblée. Tout vous sourit. Le monde vous encense, vous adule. Ne soyez pas surprise que la piété vous semble insipide. Entre les délices de ce monde et le goût des choses divines, il y a incompatibilité absolue.

— Je ne suis pas si heureuse que vous le croyez, lui dis-je. Je n’ai pas la paix de l’âme et je pense à la mort beaucoup plus que je ne le voudrais.

Il me regarda étonné et reprit :

— Quoi ! la mort n’est pas pour vous un fantôme qui ne viendra jamais ?… La grâce vous travaille, c’est évident. N’attendez pas l’attrait pour vous mettre à la pratique exacte.

— La pratique exacte, aride et sèche, m’écriai-je, je ne saurais m’y assujettir. Ça me ferait l’effet d’un mouvement mécanique. Il me faudrait un renouvellement entier, profond.

— Avez-vous cru qu’il ne vous en coûterait rien ? La conversion d’une jeune âme qui s’est livrée au monde, sans commettre ce que nous appelons de grandes fautes est entre toutes difficile et aride.

— Pourquoi ? lui demandai-je.

— Pour vous répondre il faudrait bien comprendre ce que c’est que l’esprit du monde. Jésus-Christ l’a maudit dans sa prière pour les élus ;