Page:Conan - La Vaine Foi, 1921.djvu/31

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Plus tard, quand je crus que les parents et les amis devaient être partis, j’allai la demander au parloir. Elle parut touchée que je fusse venue de si loin pour sa profession. Je ne l’avais pas vue depuis son entrée, je la regardais avec une curiosité un peu émue. Elle était gaie, pas du tout solennelle.

— Si vous saviez, m’a-t-elle dit, comme je me trouve bien de n’avoir plus qu’une robe, de ne plus penser à ma toilette, de ne plus passer des heures et des heures devant mon miroir, à me bichonner.

Je lui demandai ce qui l’avait déterminée à quitter le monde.

Elle rit un peu et me répondit avec son ancienne espièglerie :

— Le sens esthétique.

Je la regardais sans rien dire, elle poursuivit :

— J’avais le goût, le désir, la passion d’être belle. C’était un tourment. Et comme j’y perdais mes peines, un bon jour après un violent accès de dépit qui m’humiliait, je me dis : Si je cultivais la beauté de mon âme, – la beauté immortelle… Cette pensée ne me quitta plus. Je me voyais vieillir – enlaidissant d’heure en heure… sans cesse occupée à me recrépir. Ce que je souffrais !

— Et ensuite ? lui demandai-je.