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LARMES D’AMOUR

à rêver pour lui une ovation populaire. Le sourire a un singulier charme sur sa bouche sérieuse, c’est dommage qu’il soit si rare. D’où vient la tristesse qui lui est habituelle ? D’abord j’avais cru que c’était l’ennui de se trouver au milieu d’étrangers, mais ce n’est pas cela. Il a un grand chagrin. Malgré son calme, sa réserve anglaise, on ne peut le voir longtemps sans s’en apercevoir. Pourquoi souffre-t-il ? Je suis condamnée à entendre là-dessus bien des suppositions. Quoi qu’il en soit, je suis sûre que ce n’est pas une douleur vulgaire qui assombrit ce noble front. Jusqu’à présent je ne sais rien de sa vie, si ce n’est qu’il a perdu ses parents de bonne heure et qu’il n’a ni sœur ni frère.

Il nous a priées de ne rien dire de l’incendie de Philadelphie. Soit, je n’en dirai rien, mais j’y pense souvent. Noble jeune homme ! Quand moi et tant d’autres ne savions donner que notre impuissante compassion, lui s’est exposé avec une générosité sublime. Quel parfum un pareil souvenir doit laisser dans l’âme ! Souvent en le regardant, je me demande ce qu’il dut éprouver quand il se trouva seul après s’être dérobé aux applaudissements de la foule. Jamais je ne connaîtrai la joie du dévouement héroïque, mais je remercie Dieu d’avoir été témoin d’une action vraiment courageuse, vraiment désintéressée, vraiment généreuse. L’admiration élève l’âme et satisfait un des plus doux besoins du cœur.