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LARMES D’AMOUR

Hier nous avons causé intimement. Il m’a parlé de l’ami qu’il a perdu, et l’indicible joie que j’ai sentie en l’entendant dire qu’il n’avait jamais aimé que son ami, m’a été une révélation. Ô mon Dieu ! ayez pitié de moi. Je le sais, celui qui n’a pas l’Église pour mère ne peut vous avoir pour père ; je le sais, mais il m’est impossible de ne pas l’aimer.


30 juillet.


M. Douglas me parle toujours de son ami, mais avec une sensibilité si vraie, si profonde, qu’il est impossible de l’entendre sans être touché au delà de tout ce qu’on peut dire. En l’écoutant, je me rappelle cette parole de David pleurant son Jonathas : « Je t’aimais comme les femmes aiment. »

Il m’a montré le portrait de son ami et quelques-unes de ses lettres. Je les ai lues avec un attendrissement profond, et maintenant je comprends la profondeur de ses regrets. Pourquoi l’amitié, si rare chez les hommes, l’est-elle encore plus chez les femmes ? Deux ans bientôt que Charles de Kerven est mort. Je pense bien souvent à ce pauvre jeune homme qui dort là-bas sur la terre de Bretagne. J’aime à prier pour lui. Il a eu de grands malheurs, il est mort à la fleur de l’âge, mais il a été profondément aimé par l’homme le plus noble qui fut jamais.