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LARMES D’AMOUR

Et puis, j’aimais à vous faire connaître mon supérieur, à vous répéter ce qu’il m’a dit d’elle. Je suis sûr que vous partagerez la consolation que j’éprouvais en l’entendant. N’est-il pas bien bon ? Il me semble que je redeviens enfant quand je lui parle.

Ce soir, je vais prendre possession de ma cellule et commencer mon noviciat. Le monde attribue cette résolution à l’excès de mes regrets. Il se trompe. Thérèse était un ange et je l’aimais avec toute la force et la tendresse de mon cœur, mais si je pouvais la rappeler à la vie je ne le ferais pas. Non, Dieu m’en est témoin, madame, je la laisserais parée de sa pureté virginale au Seigneur Jésus, à Celui qui l’a le plus aimée.

Quand, l’été dernier, je me préparais à mon mariage, qui m’eût dit que quelques mois plus tard je serais à la Grande Chartreuse, n’aspirant plus qu’à ce dépouillement de l’âme qui ne laisse rien à sacrifier ?

« Ô mon Dieu, vous avez brisé mes liens et je vous rendrai un sacrifice de louanges. »

Je songe souvent à la joie que Thérèse doit avoir de ma vocation religieuse. La chère enfant ne désirait pour moi que la foi, mais, comme dit saint Paul, Dieu peut faire infiniment plus que nous ne désirons. Je ne lis jamais ces paroles sans m’attendrir, sans penser à la reconnaissance que Thérèse et moi nous devons à Dieu. Ah ! qu’il est bon, madame. Après m’avoir donné la foi, il m’appelle au bonheur et à la gloire de lui appartenir.