Page:Conan - Physionomies de saints, 1913.djvu/132

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
136
PHYSIONOMIES DE SAINTS

voiles blancs, elle descendait dans les jardins solitaires du harem.

Dans ces jardins fermés à tout regard profane les heures s’écoulaient pour elle rapides, enchantées. La vue des fleurs la plongeait dans une sorte d’extase. Mais, avec ce sentiment divin de la beauté, la jeune princesse n’avait sur toutes choses que des notions très vagues, très enfantines, et ce terrible Allah, qu’elle priait cinq fois par jour le front dans la poussière, elle ne le croyait point le créateur des fleurs.

Elle pensait qu’il existait quelque part un être bienfaisant, puissant, adorable, qui ornait et parait la terre.

À lui, elle se croyait redevable de la lumière du jour, de la douceur étoilée des nuits, du souffle des brises embaumées, du bruissement des eaux vives. Et cet être invisible et charmant, elle l’appelait le Sultan des fleurs.

« Qu’il doit être beau, qu’il doit être puissant, se disait la jeune fille, puisque dans de simples petites graines il a mis tant de vie, tant de beauté, tant de parfums… Que je voudrais voir ses jardins… que je voudrais le voir lui-même… Mais qui me conduira vers lui… qui me dira seulement où il réside, où réside sa cour ?

Ces vagues et tendres aspirations, qui s’éveillaient en son cœur, s’en allaient toutes vers cet être céleste qui, d’une main si magnifique, répandait partout la beauté ; son souffle et sa vie s’élançaient vers lui.

Une profonde tristesse finit par l’envahir, souvent elle pleurait sans savoir pourquoi.

Un jour, avec une religieuse émotion, elle cueillit des roses humides de rosée, et, sous la sombre ramure, dans le silence et le mystère, elle les offrit, en pleurant de tendresse, au Créateur des fleurs.

« Je voudrais les jeter à vos pieds, disait-elle, je voudrais vivre dans vos jardins et cultiver vos fleurs. Je voudrais être votre esclave ».

Le soir de ce jour-là, comme elle se promenait à la chaste clarté des étoiles, elle aperçut tout à coup un