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PHYSIONOMIES DE SAINTS

Il allait lui-même cueillir les racines dans la forêt, il les bénissait avant de les distribuer, et personne ne fut plus incommodé. Mais cette chétive nourriture était bien insuffisante. Touché des souffrances de ses compagnons, le saint allait souvent sur le rivage. Il se mettait en prière, et les poissons venaient se jeter à ses pieds et se laissaient prendre.

Il avait construit un petit oratoire de verdure et y avait placé une image de la Vierge échappée au naufrage. Tous les soirs, on s’y réunissait, et après les prières, on chantait le Salve Regina. Chacun allait ensuite prendre son repos avec plus de confiance. Mais le saint prolongeait ses veilles de prière et de pénitence.

Ne plus dire la messe, ne plus communier était pour lui la privation suprême. On dit que plusieurs fois Notre-Seigneur lui apparut pour l’en consoler.

De cette bienheureuse vision le P. Solano gardait une splendeur rayonnante qui relevait le moral des naufragés. Dans la crainte de n’être pas retrouvés, ils n’osaient s’éloigner du rivage et chaque heure ajoutait aux angoisses de l’attente. Le saint ne cessait de leur prêcher la confiance. Le jour de Noël, il leur annonça leur délivrance prochaine, et au jour qu’il avait dit, un navire de Panama vint les prendre pour les conduire au Pérou.

On sait comment Pizarre avait conquis le pays des Incas. C’était la plus riche région minière du globe et, chez les vainqueurs, la fièvre de l’or anéantit tout sentiment de justice et d’humanité.

Pour arracher à la terre péruvienne ses fabuleux trésors, on asservit les indigènes. Accablés de corvées atroces, de labeurs incessants, ils n’étaient pour les Espagnols que des instruments de travail — des outils vivants — comme Aristote disait des esclaves.

On prétend qu’en moins de dix ans, plus de quinze millions d’indiens périrent dans les travaux des mines. Et quand on rapproche la conduite de l’Espa-