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PHYSIONOMIES DE SAINTS

comprenait qu’une grande mission l’attendait à Grenade et s’y rendit, avec l’ardeur empressée, légère, heureuse, toute désintéressée des anges. Quand il entra dans la ville, le plus grand prédicateur de l’Andalousie, Jean d’Avila, y prêchait. Il suivit la foule qui allait l’entendre. Mais en écoutant le sermon, il fut tellement touché et conçut une douleur si véhémente de ses péchés, que, se jetant la face contre terre, il éclata en cris et en gémissements.

On le crut fou. On l’arracha de l’église pour le traîner à un hospice d’aliénés où on lui fit subir un traitement barbare. Heureux d’être humilié et de souffrir, Jean n’essaya pas de détromper ceux qui le prenaient pour un insensé.

Cependant le prédicateur voulut voir l’étranger qui avait causé le tumulte. Il se rendit à l’hôpital où l’infortuné, disait-on, était toujours dans un violent délire. Mais dans ses transports, dans ses explosions de douleur, le grand religieux ne tarda pas à reconnaître l’action extraordinaire de l’Esprit divin, « ce feu de la componction qui dévore le péché[1] ».

Le déclarant sage entre les sages, il fit sortir Jean de l’hôpital et devint son directeur, son ami.

Jean s’ouvrit à lui de ses projets. Sans argent, sans crédit, sans ressource aucune, il voulait pourtant secourir toutes les misères humaines.

Jusque là, à Grenade, dans les établissements publics de charité, les malades, les infirmes, les aliénés, les indigents avaient été soignés par des mercenaires. Aussi dans la plupart de ces établissements de charité on spéculait sans honte sur la souffrance, sur la misère.

Jean avait résolu de porter remède à tous ces maux.

Le propriétaire ayant consenti à ne pas exiger caution du prix du loyer, il loua une maison dans un faubourg de Grenade et en ouvrit les portes toutes grandes aux malades et aux pauvres, qui ne tardèrent pas à accourir.

  1. Saint Jean Chrysostome.