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LE BIENHEUREUX LUCHESIO

dans les infiniment petits de l’existence, en apparence la plus banale, les parcelles d’une œuvre divine, rester pur de toute préoccupation avilissante ; user des choses comme ne les possédant pas, comme les serviteurs de la parabole qui auront bientôt à rendre compte des talents qui leur ont été confiés ; fermer son cœur à la haine et l’ouvrir tout grand aux pauvres, aux malades, aux abandonnés, tels devaient être les devoirs essentiels des Frères et des Sœurs de la Pénitence ».

Luchesio voulut être le premier Tertiaire. Lui et sa femme reçurent les livrées séraphiques de la main de François, et la première Fraternité fut érigée dans leur maison.

L’établissement du Tiers-Ordre se fit sans bruit, mais ce fut l’un des grands événements du moyen âge. Une nouvelle force était née, et son action ne tarda pas à se faire sentir dans la société si agitée d’alors.

Enfant du peuple, François en connaissait toutes les douleurs. On a dit que la démocratie italienne est sortie du petit cahier où le saint écrivit la règle du Tiers-Ordre. Cette règle est l’un des plus grands efforts qui aient jamais été faits pour établir plus de justice parmi les hommes. Partout des Fraternités se formèrent et les grands apprirent bientôt à leurs dépens la puissance de l’association.

Mais si le Tiers-Ordre fut une formidable machine de guerre contre le système féodal, il fut aussi une pépinière de saints. Dans le seul XIIIe siècle, on ne compte pas moins de quatorze Tertiaires canonisés ou béatifiés par l’Église.

Luchesio marche noblement à leur tête. Il fut un grand pénitent ; il eut le don d’oraison jusqu’à l’extase, mais la charité fut toujours la vertu, la passion de son cœur.

Une fois Tertiaire, il ne se contenta plus de bien accueillir les pauvres ; il allait à leur recherche dans les Maremmes infectées par la malaria et se fit un peu médecin afin de soigner les habitants très clairsemés et très abandonnés de ces régions insalubres. Pour ses courses, il avait acheté un petit âne ; au besoin, il