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Page:Conan - Silhouettes canadiennes, 1917.djvu/113

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pierre boucher

2ème Raison. — C’est pour vivre plus retiré et débarrassé du fracas du monde, qui ne sert qu’à nous désoccuper de Dieu et nous occuper de la bagatelle, et aussi pour avoir plus de commodité de travailler à l’affaire de mon salut et de celui de ma famille.

3ème Raison. — C’est pour tâcher d’amasser quelque bien par les voies les plus légitimes qui se puissent trouver, afin de faire subsister ma famille, pour instruire mes enfants en la vertu, la vie civile et les sciences nécessaires à l’état où Dieu les appellera et ensuite les pourvoir chacun dans sa condition.

4ème Raison. — Comme c’est un lieu fort avantageux tant pour les grains que pour les nourritures, et que ce serait dommage qu’il demeurât inutile, outre que cela est capable de mettre bien des pauvres gens à leur aise, ce qui ne se peut faire si quelqu’un ne commence. — Cette terre m’appartenant, je crois que Dieu demande de moy que j’aille au plus tôt l’établir. Ce qui me confirme dans cette pensée, c’est la connaissance que j’ay que cela sera utile au public et aux particuliers.

5ème Raison. — C’est qu’il me semble que j’auray plus de moyen de faire du bien au prochain et d’assister les pauvres, que dans le poste où je suis, où mes revenus ne suffisent pas pour faire ce que je voudrais, ayant d’ailleurs une grande famille ; ce qui fait que je n’ay à présent presque que le désir et la bonne volonté. Peut-être que dans la suite me trouverai-je en état d’exécuter les sentiments que Dieu me donne conformément à ce que j’ai vu pratiquer à un grand homme de bien ; ce que je ne pourrais pas faire demeurant icy. — Pour y réussir, je prie notre bon Dieu, par les mérites et l’intercession de son fidèle serviteur, le Père de Brébœuf, de m’en faciliter l’établissement si c’est pour sa gloire, pour le salut de mon âme et celui de toute ma famille, sinon qu’il ne permette pas que j’en vienne à bout, ne voulant rien que sa sainte volonté.

Je mets ceci par écrit, afin que si Dieu permet que je réussisse, le relisant, je me souvienne de ce à quoi je me suis engagé ; afin aussi que mes successeurs sachent bien mes intentions. Je les prie de continuer dans la même volonté, si ce n’est qu’ils voulussent enchérir pardessus, en y faisant quelque chose de plus à la gloire de Dieu. C’est ce en quoi ils me peuvent le plus obliger, ne leur demandant pour toute reconnaissance que Dieu soit servy et glorifié d’une façon toute particulière dans cette seigneurie, comme en étant le maître. C’est mon intention ; je le prie de tout mon cœur qu’il veuille bien l’agréer, s’il lui plaît. Ainsi-soit-il.