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silhouettes canadiennes

Contrecœur et Saint-Ours furent incendiés, mais les habitants rivalisaient avec les troupes de patience, d’ardeur, de courage[1] et les féroces ennemis se heurtèrent presque partout à une défense invincible.

Le péril continuel avait aguerri la population : les femmes et les enfants se battaient comme les hommes[2].

Il paraît que la gaieté n’en souffrait pas. Le plus grand mal alors de cette guerre de guérillas c’était qu’en beaucoup d’endroits on ne pouvait cultiver les terres.

En 1692, Mgr  de Saint-Vallier érigea canoniquement la paroisse de Boucherville. L’année précédente, on y avait béni la première cloche, appelée Marie-Jeanne, du nom de la marraine, fille de Pierre Boucher[3]. Plusieurs des habitants n’avaient pas entendu le son d’une cloche depuis vingt ans. Partout, dans la paroisse, ce fut une fête. L’œuvre poursuivie avec une énergie acharnée, une persévérance invincible, était enfin affermie : la paroisse était fondée.

On ne bataille pas contre la barbarie sans qu’il en coûte cruellement, on ne conquiert pas une terre sauvage sans un labeur immense, et un succès humain est toujours bien incomplet. Pierre Boucher le savait, et, malgré tout ce qui manquait au sien, il s’attardait souvent en actions de grâces dans la pauvre petite chapelle.

La mort approchait, mais autour de lui il entendait sourdre la vie, une vie jeune, ardente, riche de sève. Ses nom-

  1. Dans un combat où les Iroquois s’étaient retranchés dans une maison, et s’y défendaient avec désespoir, on vit quelques Canadiens s’avancer jusqu’auprès des fenêtres et en tirer par la chevelure les Sauvages qui se présentaient pour tirer. — Garneau.
  2. Qui ne sait que Madeleine de Verchères — fillette de quatorze ans — défendit un fort durant huit jours contre une bande d’Iroquois.
  3. Jeanne Boucher épousa, en 1695, M. Sabrevois de Bleury.