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Page:Conan - Silhouettes canadiennes, 1917.djvu/87

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silhouettes canadiennes

tel, qui était notaire apostolique, m’a confié sa fille qu’il aimait beaucoup. M’ayant demandé comment nous vivrions à Ville-Marie, je lui montrai le contrat qui me mettait en possession de l’étable qui avait servi de colombier et de logis pour les bêtes à cornes ; et ne voyant rien pour subsister, il me dit : Eh bien ! voilà pour loger, mais pour le reste que ferez-vous ? De quoi vivrez-vous ? Je lui dis que nous travaillerions pour gagner notre vie, et que je leur promettais à toutes du pain et du potage ; ce qui lui tira les larmes des yeux et le fit pleurer. Il aimait beaucoup sa fille, mais ne voulut pas s’opposer aux desseins de Dieu sur elle. Il prend conseil de l’évêque de Troyes, M. Malier du Moussay, car il était bon serviteur de Dieu ; et, sur la réponse affirmative du prélat, il accède aux désirs de sa fille. On passa en son étude le contrat d’engagement, ainsi que celui de ma Sœur Crolo, qui avait eu le désir de venir avec moi, dès mon premier voyage. Par ce contrat, elles s’engagèrent pour demeurer ensemble et faire l’école à Ville-Marie. »

Ces jeunes filles et deux autres qui se dévouèrent aussi à l’instruction des enfants de la colonie, ne songeaient pas à former une communauté. Mais Dieu les avaient choisies ; l’œuvre de Marguerite Bourgeoys devait se perpétuer chez nous, et dès 1658, dans ce poste de Montréal, toujours en péril, l’étonnante femme fonda la Congrégation de Notre-Dame sous la sauvegarde de la Reine du Ciel.


Un des associés de la Compagnie de Montréal, touché du zèle de la Sœur Bourgeoys, lui offrit un fonds considérable pour assurer un revenu à la congrégation naissante. Mais la magnanime fondatrice refusa absolument de l’accepter afin de ne fonder son œuvre que sur Dieu, et de pratiquer aussi parfaitement que possible la pauvreté qu’elle avait vouée.