Page:Conan - Un amour vrai, circa 1897.djvu/28

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
26

Mais sur le rocher où le sang de Jésus-Christ a coulé, je demandai pour lui la foi. Oui, mon Dieu, vous m’exaucerez. Je le verrai catholique. Ce froid protestantisme n’est pas fait pour lui.

Nous prîmes le dîner sur l’herbe, dans le voisinage de la roche Pleureuse. Cet endroit de l’île est d’une beauté ravissante. Il y règne un calme profond, une fraîcheur délicieuse. La journée avait ce charme particulier à l’automne. Francis semblait enchanté, et s’oubliait dans cette belle nature.

— C’est beau, et je suis heureux, me dit-il.

— Alors, remercions Dieu, car moi aussi je suis heureuse.

Il ne répondit rien, mais je vis briller cette flamme lumineuse qui s’allume parfois dans son regard.

Les conversations s’éteignaient ; je ne sais pourquoi mon âme inclina tout à coup à la tristesse : notre vie s’écoule, pensai-je en écoutant le bruit des vagues sur la grève, chaque flot en emporte un moment. Presque sans me rendre compte de ce mouvement, je me tournai vers Francis :

— Vous connaissez cette pensée d’une femme célèbre : Sommes-nous heureux, les bornes de la vie nous pressent de toutes parts.

— C’est douloureusement vrai.

Et nous parlâmes de cette soif de l’infini qui fait notre tourment et notre gloire. Sa sensibilité si vive et si profonde, le rendait parfois éloquent. Jamais je n’avais compris, comme en l’écoutant,