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le lui donner ou plutôt, il voulut que la Vierge lui apparût, la rassurât elle-même : « Va, lui dit la Reine de Ville-Marie, je ne t’abandonnerai point. »

Les cruelles appréhensions de Marguerite se dissipèrent à l’instant ; comme un torrent de lumière, une grande certitude inonda son âme, et une paix surnaturelle, une paix divine la pénétra. « Rien ne me semblait plus difficile », dit-elle dans les Mémoires écrits à la fin de sa vie.

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Cependant, comme elle était très sensée et très humble, elle n’osait trop croire à la réalité de l’apparition.

« Après cette apparition, dit-elle, comme je craignais les illusions, je pensai que si cela était de Dieu, je n’avais que faire de rien porter pour mon voyage. Je dis en moi-même : « Si c’est la volonté de Dieu que j’aille à Ville-Marie, je n’ai besoin d’aucune chose. »

Il faut bien se souvenir qu’alors le Canada était sauvage, qu’on n’y trouvait rien des nécessités de la vie. Ceux qui venaient s’y établir avaient donc grand soin de se pourvoir de tout. Mme de la Peltrie avait frété un vaisseau de son bagage et de celui des religieuses Ursulines.

Mais au lieu de faire provision de hardes, de meubles, de comestibles, Marguerite se prépara au grand départ en distribuant aux pauvres ce qu’elle possédait. Elle ne garda même pas le peu d’argent qu’elle avait, et quitta Troyes (en février 1653) n’emportant ni blanc ni maille, mais seulement un petit paquet qu’elle pouvait porter sous son bras.