Page:Condillac - Essai sur l’origine des connaissances humaines, Mortier, 1746, tome 2.djvu/118

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§. 72. On voit sensiblement quel étoit l’objet des premières poësies. Dans l’établissement des sociétés, les hommes ne pouvoient point encore s’occuper des choses de pur agrément ; & les besoins qui les obligeoient de se réunir bornoient leurs vues à ce qui pouvoit leur être utile ou nécessaire. La poësie & la musique ne furent donc cultivées que pour faire connoître la religion, les loix & pour conserver le souvenir des grands hommes & des services qu’ils avoient rendus à la société. Rien n’y étoit plus propre, ou plutôt c’étoit le seul moyen dont on pût se servir, puisque l’écriture n’étoit pas encore connue. Aussi tous les monumens de l’antiquité prouvent-ils que ces arts, à leur naissance, ont été destinés à l’instruction des peuples. Les gaulois & les germains s’en servoient pour conserver leur histoire & leurs loix ; &, chez les égyptiens & les hébreux, ils faisoient en quelque sorte partie de la religion. Voilà pourquoi les anciens vouloient que l’éducation eut pour