Page:Condillac - Essai sur l’origine des connaissances humaines, Mortier, 1746, tome 2.djvu/124

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En premier lieu, l’usage de sous-entendre des mots y étoit fort fréquent. L’hébreu en est la preuve ; mais en voici la raison.

La coutume, introduite par la nécessité, de mêler ensemble le langage d’action & celui des sons articulés, subsista encore longtemps après que cette nécessité eut cessé, surtout chez les peuples dont l’imagination étoit plus vive, tels que les orientaux. Cela fut cause que, dans la nouveauté d’un mot, on s’entendoit également bien en ne l’employant pas, comme en l’employant. On l’omettoit donc volontiers pour exprimer plus vivement sa pensée, ou pour la renfermer dans la mesure d’un vers. Cette licence étoit d’autant plus tolérée que, la poësie étant faite pour être chantée, & ne pouvant encore être écrite, le ton & le geste suppléoit au mot qu’on avoit omis. Mais quand, par une longue habitude, un nom fut devenu le signe le plus naturel d’une idée, il ne fut pas aisé d’y suppléer. C’est pourquoi, en descendant des langues