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Page:Condillac - Essai sur l’origine des connaissances humaines, Mortier, 1746, tome 2.djvu/212

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l’époque des grands hommes. Cette observation se confirme par l’histoire des arts, mais j’en vais donner une raison tirée de la nature même de la chose.

Les premiers tours qui s’introduisent dans une langue, ne sont ni les plus clairs, ni les plus précis, ni les plus élégans, il n’y a qu’une longue expérience qui puisse peu à peu éclairer les hommes dans ce choix. Les langues qui se forment des débris de plusieurs autres, rencontrent même de grands obstacles à leurs progrès. Ayant adopté quelque chose de chacune, elles ne sont qu’un amas bisarre de tours qui ne sont point faits les uns pour les autres. On n’y trouve point cette analogie qui éclaire les écrivains, & qui caractérise un langage. Telle a été la nôtre dans son établissement. C’est pourquoi nous avons été long-tems avant d’écrire en langue vulgaire, & que ceux qui les premiers en ont fait l’essai, n’ont pu donner de caractère soutenu à leur style.