Page:Condillac - Essai sur l’origine des connaissances humaines, Mortier, 1746, tome 2.djvu/30

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sons, la rudesse des organes ne leur permit pas de le faire par des inflexions aussi foibles que les nôtres.

En second lieu, nous pouvons remarquer que les inflexions sont si nécessaires, que nous avons quelque peine à comprendre ce qu’on nous lit sur un même ton. Si c’est assez pour nous que la voix se varie légèrement ; c’est que notre esprit est fort exercé par le grand nombre d’idées que nous avons acquises, & par l’habitude où nous sommes de les lier à des sons. Voilà ce qui manquoit aux hommes qui eurent les premiers l’usage de la parole. Leur esprit étoit dans toute sa grossiéreté ; les notions aujourd’hui les plus communes étoient nouvelles pour eux. Ils ne pouvoient donc s’entendre qu’autant qu’ils conduisoient leurs voix par des dégrés fort distincts. Nous-mêmes nous éprouvons que, moins une langue, dans laquelle on nous parle, nous est familière, plus on est obligé d’appuyer sur chaque syllabe, & de les distinguer d’une manière sensible.