Page:Condillac - Essai sur l’origine des connaissances humaines, Mortier, 1746, tome 2.djvu/84

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qui étoit chantante, préparoient celle qu’ils devoient avoir, lorsqu’ils seroient entendus seuls. Deux raisons assurèrent même le succès à ceux qui, avec quelque talent, s’essayèrent dans ce nouveau genre de musique. La première, c’est que sans doute ils choisissoient les passages ausquels, par l’usage de la déclamation, on étoit accoutumé d’attacher une certaine expression, ou que, du moins, ils en imaginoient de semblables. La seconde, c’est l’étonnement que, dans sa nouveauté, cette musique ne pouvoit manquer de produire. Plus on étoit surpris, plus on devoit se livrer à l’impression qu’elle pouvoit occasionner. Aussi vit-on ceux qui étoient moins difficiles à émouvoir, passer successivement, par la force des sons, de la joye à la tristesse, ou même à la fureur. A cette vue, d’autres qui n’auroient point été remués, le furent presque également. Les effets de cette musique devinrent le sujet des conversations, & l’imagination s’échauffoit au seul récit qu’on en entendoit