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CLI
DE CONDORCET.

Le testament se termine par ces lignes : « Je ne dis rien de mes sentiments pour la généreuse amie (madame Vernet) à qui cet écrit est destiné ; en interrogeant son cœur, en se mettant à ma place, elle les connaîtra tous. »

Voilà ce que Condorcet écrivait dans la matinée du 5 avril 1794. À dix heures, il quitta sa cellule, en veste et en gros bonnet de laine, son déguisement habituel, descendit dans une petite pièce du rez-de-chaussée, et lia conversation avec un locataire[1] de madame Vernet qui habitait aussi la maison. Notre confrère avait vainement choisi un sujet dépourvu d’intérêt et qui semblait devoir donner lieu à de très-longs développements ; vainement il mêlait à son discours force termes latins ; madame Vernet restait là de pied ferme. Le proscrit désespérait déjà de pouvoir se dérober à la surveillance

  1. Ce locataire, nommé Sarret, est auteur de plusieurs ouvrages d’instruction élémentaire. Il avait épousé madame Vernet, mais le mariage était resté secret, la femme n’ayant pas voulu renoncer à son premier nom.