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ENTRE VOLTAIRE ET CONDORCET.


47. A CONDORCET [1].


11 janvier 1776.


Vous augmentez ma joie, mon respectable philosophe, en la partageant. C’était une belle fête de voir dix ou douze mille hommes répandus dans la campagne, reconduire avec des huées les troupes du roi David, bénir M. Turgot, et chanter leur liberté. Tout le monde s’embrassait, tout le monde dansait, tout le monde s’enivrait.

Je ne suis qu’un pauvre malade ; j’ai reçu des compliments dans mon lit, mais je me suis cru le plus heureux des hommes.

Je regarde sans doute ce petit événement comme un essai qu’Hercule [2] fait de ses forces : il finira par nettoyer toutes les étables du roi Augias. Les

  1. Voltaire avait présenté, en faveur du pays de Gex, un mémoire pour obtenir le dégrèvement de l’impôt. Ce mémoire eut un plein succès. Cependant, et malgré les ordres précis du contrôleur général, les employés de la ferme voulurent continuer à percevoir les taxes abolies. Ils furent accueillis comme l’on voit par cette lettre. Voltaire, dans sa joie, en écrivit le même jour (11 janvier) deux autres : l’une à M. de Vaines, l’autre à Mme de Saint-Julien. (Correspondance, t. XIX, p. 477 et 478.) Voyez aussi p. 472, dans une lettre à M. Fabry, quelle indignation causèrent au patriarche les violences des commis : « On ne doit regarder que comme des assassins les scélérats qui, à la faveur d’une ancienne bandoulière, viennent voler sur les grands chemins et « dans les maisons des sujets du roi, etc. »
  2. Turgot. Voltaire lui adressa, le 8 janvier, une lettre de remerciements avec un mémoire.