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CORRESPONDANCE


font toujours trembler. J’ai été trop heureux de tirer d’Étallonde des griffes de l’une ; mais je vois avec douleur qu’on ne pourra jamais ôter à l’autre le droit de faire du mal, surtout quand ces deux canailles sont jointes ensemble pour nuire au genre humain [1]. Vous avez vu, par l’aventure arrivée à La Harpe, combien cette réunion est à craindre.

Je vous conjure encore une fois de ne pas souffrir qu’aucun de vos amis se donne le funeste plaisir de m’imputer des ouvrages qui m’exposent à la fureur de ces persécuteurs éternels [2]. Soyez très-sûr que le ministère n’oserait jamais soutenir un homme qui serait poursuivi par eux. Vous avez vu que M. Turgot lui-même n’a pu ni voulu défendre dans le conseil un petit ouvrage qui était uniquement à sa gloire [3], et qu’il a laissé condamner M. La Harpe, pour avoir loué cet ouvrage dans le Mercure.

Il y a une autre canaille à laquelle on sacrifie tout, et cette canaille est le peuple. C’est elle, il est vrai, que les trois autres réduisent à la mendicité, mais c’est pour elle qu’on va à la messe, à vêpres et au salut ; c’est pour elle qu’on rend le pain bénit ; c’est pour elle qu’on a condamné le chevalier de La Barre et d’Étallonde au supplice des parricides. On voudra toujours mener cette canaille par le licou qu’elle s’est donné elle-même. C’est pour elle qu’on touchera

  1. Cette seconde canaille est Fréron.
  2. Encore une allusion au comte de Tressan et à l’épître du chevalier Morton. Voyez ci-dessus les lettres n° 35, 38, 89, 41.
  3. L’écrit Sur l’abolition des corvées. Voyez t. XI, p. 87, et la lettre n° 46.